Je sais pourquoi l’oiseau en cage chante
« L’oiseau libre sautille
Sur le dos du vent
Et flotte en aval
Jusqu’à ce que s’achève cet élan
Et plonge ses ailes
Dans les rayons orange du soleil
Et ose défier le ciel.
Mais un oiseau qui piétine
dans sa cage étroite
peu rarement voir à travers
ses barreaux de rage
ses ailes sont entravées et
ses pattes sont liées
alors il ouvre sa gorge pour chanter.
L’oiseau en cage chante
avec un trémolo de peur
des choses inconnues
mais espérées encore
et sa mélodie se fait entendre
sur la colline lointaine
parce que l’oiseau en cage
chante la liberté.
L’oiseau libre pense à une autre brise
et aux alizés doux à travers les arbres soupirants
et aux vers tout gras l’attendant sur une pelouse luisante à l’aube
et il désigne le ciel comme sien.
Mais un oiseau en cage s’assoit sur la tombe de ses rêves
son ombre piaille d’un cri de cauchemar
ses ailes sont coupées, ses pattes liées
alors il ouvre sa gorge pour chanter.
L’oiseau en cage chante
avec un trémolo de peur
des choses inconnues mais désirées encore
et sa mélodie se fait entendre
sur la colline lointaine parce que l’oiseau en cage
chante la liberté. »
Maya Angelou
Marguerite Johnson (Maya Angelou) est née le 4 avril 1928 dans l’état du Missouri (États-Unis). Danseuse, chanteuse, écrivaine, poétesse, comédienne, militante, journaliste, scénariste, professeur à l’université, elle était envers et contre tout, une amoureuse, une engagée, une aventurière, une artiste, une personnalité connue et reconnue dans son oeuvre et son parcours.
Ballottée de foyer en foyer, Maya Angelou se fait violer à l’âge de 8 ans par son « beau »-père. Elle tombe alors dans un mutisme profond pour en sortir grâce à une rencontre salvatrice : la lecture.
Son enfance m’intrigue évidemment, car les mots, les livres sont inutiles s’ils ne permettent pas une prise de conscience, une vision plus large de la réalité. Une prise de conscience n’a de force que si elle provoque un changement dans notre manière de penser et donc de panser le monde.
En 2021, quel est cet oiseau qui chante en cage ?
Nous créons notre (triste) réalité. Nos pensées et notre imagination sont à la base de tout ce qui existe ici sur terre. L’imagination est hélas toujours discréditée comme si elle était une fantaisie dénuée de sens. Comme s’il en découlait quelque chose d’irresponsable et d’enfantin.
Or, les pensées et l’imagination sont à la base de la création de la réalité parce que tout a été à un moment donné, une idée imaginée et merveilleusement concrétisée 😇.
Nonobstant, il est facile d’imaginer que l’oiseau emprisonné, puisse endosser aisémement le rôle de victime avec la croyance de n’avoir aucun pouvoir sur son environnement : plus de contact avec les saisons, plus de passions pour les horizons.
Et pourtant, il ne tient qu’à cet oiseau de découvrir ses ailes déjà déployées ! Il ne tient qu’à lui d’étancher sa soif de liberté à en être étourdi par la beauté du nouveau, et voler très haut au-dessus des plaines, des montagnes et des eaux. Pour défier le ciel, les cieux.
Parce que vous connaissez mon amour des poèmes, voici celui de Victor Hugo :
Liberté !
De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?
De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
Aux sources, à l’aurore, à la nuée, aux vents ?
De quel droit volez-vous la vie à des vivants ?
Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
L’aile pour l’accrocher au clou de ta fenêtre ?
Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
Qu’est-ce qu’ils ont donc fait tous ces innocents-là
Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?
Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
Qui sait si le verdier qu’on dérobe aux rameaux,
Qui sait si le malheur qu’on fait aux animaux
Et si la servitude inutile des bêtes
Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
Oh ! de nos actions qui sait les contre-coups,
Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
Tant de choses qu’on fait en riant sur la terre ?
Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
Tous ces buveurs d’azur faits pour s’enivrer d’air,
Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
Ne touche pas à l’homme en heurtant ces barreaux ?
Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles !
Les âmes expieront tout ce qu’on fait aux ailes.
La balance invisible a deux plateaux obscurs.
Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
Du treillage aux fils d’or naissent les noires grilles ;
La volière sinistre est mère des bastilles.
Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
Toute la liberté qu’on prend à des oiseaux
Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
Ce qu’on croit sans défense est défendu par l’ombre.
Toute l’immensité sur le pauvre oiseau sombre
Se penche, et te dévoue à l’expiation.
Je t’admire, oppresseur, criant : oppression !
Le sort te tient pendant que ta démence brave
Ce forçat qui sur toi jette une ombre d’esclave ;
Et la cage qui pend au seuil de ta maison
Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.
– Victor Hugo (La Légende des siècles)